Argumentaire

argumentaire du colloque Hannah Arendt, Figure Inspirante pour l’éducation


1. Penser le monde avec Hannah Arendt?

Étonnant destin que celui de l’œuvre d’Hannah Arendt dans les différents domaines de la réflexion et de l’action qui prennent l’éducation pour objet : elle qui avouait sans ambages n’être en rien spécialiste de l’éducation et de la pédagogie est peu à peu devenue – dans l’accord de fond comme dans la critique sans détour – une référence quasi incontournable pour penser les mutations modernes de l’éducation et de la culture, ou encore le statut de l’autorité, de la vérité, du travail et de l’action politique dans les sociétés contemporaines. Figure inspirante pour l’éducation, donc, car celle qui s’était donné comme tâche intellectuelle et comme rôle public de penser ce qui arrivait de tumultes dans les trois premiers quarts d’un XXème siècle chargé en tragédies inédites nous aide encore à nous orienter face aux questions vives de notre temps.
Dans ce colloque international, il s’agira donc de mettre en évidence et en perspective ce que l’œuvre arendtienne nous offre pour penser, pratiquer et questionner l’éducation et son rapport au monde. Autrement dit, on s’intéressera à l’influence que l’œuvre d’Hannah Arendt – en même temps que sa trajectoire intellectuelle et biographique – a pu, peut encore et pourrait à l’avenir avoir pour appréhender les principes, valeurs, normes, pratiques, objectifs et ressources de l’éducation, en même temps que la dimension intrinsèquement politique de l’humaine condition. Comment penser la praxis éducative dans le monde incertain de ce début de XXIème siècle ? Comment préparer les nouvelles générations à l’action (notamment politique) et préserver en eux les capacités à commencer quelque chose de nouveau dans le monde ? Comment penser les espaces politiques et éducatifs et les institutions qui les structurent dans un monde où leur légitimité ne va plus de soi ?

2. Hannah Arendt, repères sur la vie et l’oeuvre.

Hannah Arendt nait le 14 Octobre 1906 à Linden, près de Hanovre. Par son père, Paul Arendt, et sa mère, née Martha Cohn, elle descend de deux vieilles familles juives de Königsberg, capitale de la Prusse Orientale et patrie d’Emmanuel Kant. Outre les travaux de recoupement de sources des biographes, ses premières années nous sont connues par les notations que sa mère consigne dans un carnet baptisé Unser Kind (notre enfant). Âgée de seulement sept ans, elle perd son grand-père Max Arendt puis son père en 1913. Elle fréquente l’école Szittnich puis la Luiseschule de Königsberg pour une scolarité où sa puissance intellectuelle non moins que son fort caractère sont notés par les adultes qui l’entourent. À partir de l’hiver 1923-1924, elle écrit également des poèmes, ce qu’elle fera à notre connaissance jusqu’en 1952. Après avoir passé son Abitur en candidate libre et l’avoir obtenu au printemps 1924, elle part à l’Université de Marburg où elle rencontre Martin Heidegger, alors jeune professeur associé élaborant alors dans ses cours et séminaires qu’Arendt suivi en tant qu’étudiante les recherches philosophiques devant conduire à partir de 1927 à la publication d’Être et Temps. Ils deviennent amants et Hannah Arendt rédige pour lui en 1925 un autoportrait nommé Die Schatten (Les ombres). Bien qu’écrit à la troisième personne, ce texte analyse dans une prose anxieuse son passage à l’âge adulte et ce qu’elle « désignait par le terme de Fremdheit, son devenir-étranger-au-monde ou son aliénation » (Young-Bruehl, 1986, p. 63).
Elle réalise ensuite sous la direction de Karl Jaspers – qui professait alors sa philosophie de l’existence à Heidelberg – une thèse de doctorat intitulée Der Liedbesbegriff bei Augustin (Le concept d’amour chez Saint Augustin), qu’elle soutient en 1928. Dans cette recherche doctorale, Hannah Arendt part de la distinction augustinienne entre l’amour comme appétit et désir, l’amour comme relation à Dieu et l’amour comme rapport au prochain. Elle montre que le dernier terme cette la triade, avec le commandement d’aimer son prochain comme soi-même, unifie et transcende – dans une perspective dialectique – les deux autres.
Hannah Arendt rencontre durant la même période le sionisme, se lie d’amitié avec Kurt Blumenfeld et commence à travailler sur ce qui deviendra l’ouvrage Rahel Varnhagen : la vie d’une juive allemande à l’époque du romantisme, où le thème de la Bildung (que l’on peut prudemment traduire par formation de soi) est central. Elle épouse en 1929 le jeune philosophe et journaliste Günther Stern (plus connu ensuite sous le pseudonyme de Günther Anders), dont on peut noter que les parents avaient publié en 1924 – en observant leurs propres enfants – une étude du développement enfantin qui fut une référence pour la psychologie de l’éducation allemande de l’époque.
L’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933 la pousse dans l’apatridie et à l’exil à Paris, où elle rencontre notamment Walter Benjamin et Raymond Aron, mais surtout celui qui deviendra son second mari, le marxiste allemand non orthodoxe Heinrich Blücher. L’entrée en guerre puis la défaite française en 1940 signifie pour elle l’expérience de l’internement au camp de Gurs dans les Pyrénées et d’être, comme elle l’écrit elle-même non sans humour noir, de cette « nouvelle espèce d’êtres humains engendrés par l’histoire contemporaine, ceux qui sont mis dans des camps de concentration par leurs ennemis et dans des camps d’internement par leurs amis » (citée par Young-Bruehl, 1986, p. 197). En janvier 1941, elle parvient à fuir à New York avec Heinrich Blücher, épousé un an auparavant. Là, elle écrit durant la guerre des textes sur le statut social, intellectuel et politique des juifs, republiés ensuite en 1976 sous le titre Die Verborgene Tradition (La Tradition cachée). La découverte en 1945 de l’étendue des crimes nazis, et en particulier du phénomène de l’extermination concentrationnaire la plonge dans ce qu’elle nomme elle-même l’« horreur pure » (Arendt, 1951/2002, p. 7), et la confronte à une triple interrogation fondamentale qu’elle résume ainsi : « Que s’est-il passé ? Pourquoi cela s’est-il passé ? Comment cela a-t-il été possible ? » (p. 8). De là semble découler une quatrième question, en forme de défi pour l’action et l’esprit : comment penser (en général) et éduquer (en particulier) pour un monde non-totalitaire ? Une première occasion d’y proposer une réponse lui est offerte lorsqu’elle reçoit en 1945 la commande pour son premier livre essentiel, The Origins of Totalitarianism, qui parait en 1951 (l’année où elle devient, par ailleurs, citoyenne américaine).
Dans cette oeuvre imposante, composée de trois tomes – Antisemitism, Imperialism, Totalitarianism – Hannah Arendt s’applique à penser, au sens le plus profond du terme, les tragédies historiques et politiques des soixante-dix années précédentes. Dans le premier tome, elle s’attache à montrer la spécificité de l’antisémitisme politique moderne par rapport à ses devanciers, sur fond de montée des nationalismes en particulier. Dans le deuxième tome, Hannah Arendt montre comment le développement conjoint de la bureaucratie, de la pensée raciale et d’une conception inédite de l’expansionnisme territorial au service de la domination bourgeoise ont pu selon elle constituer les ferments indispensables du totalitarisme. C’est à ce dernier qu’est consacré le troisième tome – qui fit sa renommée internationale – où elle s’attache à le décrire comme un mouvement plus que comme un régime stablement établi, mû par une dissolution des structures sociales au profit d’une domination totale d’un parti-État. Durant les années 1950, tandis que son mari devient enseignant au Bard College, Hannah Arendt voyage, prononce des conférences dans les universités américaines et travaille sur ce qui deviendra son second livre décisif : The Human Condition (Condition de l’homme moderne), en 1958.
Cet ouvrage explore ce qu’elle identifie comme une distinction structurante de l’histoire de la pensée philosophique – celle qui oppose vita contemplativa et vita activa – et s’attache à redonner à l’action – en particulier politique – toute sa valeur conceptuelle. La vita activa, pour Hannah Arendt, rassemble trois types d’activités distinctes : le travail, qui sert à sustenter la vie au sens biologique ; l’œuvre, qui marque la dimension culturelle de l’homme et son rapport à un monde d’objets destinés à lui survivre et non à être consommés ; l’action, rapport politique entre des humains différents mais vivant sur la même Terre et ne pouvant mener une existence pleinement humaine que dans leur manière d’habiter le monde commun.
L’année 1959 a une importance particulière pour qui s’intéresse à la fois à la pensée d’Hannah Arendt et à l’éducation. Elle voit en effet la parution dans Dissent de l’article « Reflections on Little Rock », écrit initialement pour la revue Commentary en 1957. L’auteure y discute les conséquences de la décision de la Cour Suprême américaine – connue sous le nom de Brown vs Board of Education – interdisant la ségrégation raciale dans les écoles du Sud et permettant de recourir à la force publique fédérale pour rendre cette décision effective. Ramené à son épure, le propos d’Hannah Arendt est ici de dire deux choses. D’une part, la prétention de lutter par le droit et la contrainte légale contre l’habitude sociale de ségrégation est à son sens abusive, notamment car elle prive les parents du droit de choisir l’école de leurs enfants, et les enfants d’un temps formateur de protection par rapport aux enjeux politiques. D’autre part, l’espace de l’égalité est et doit demeurer l’espace politique. L’espace privé lui, doit être celui des choix individuels, que restreignent des législations existant alors dans nombre d’États contre les mariages interraciaux. L’abrogation de ces mêmes lois devrait donc, selon elle, être le front principal de la lutte pour l’intégration. L’architectonique de la pensée arendtienne sur les rapports et distinctions entre le privé, le social et le politique – que ses œuvres suivantes et notamment ses contributions sur la crise de l’éducation rendront fameuses –émergent en un sens dans cet article. S’il ne fut traduit en français qu’en 1989 et donc, tardivement connu de la majorité du publique francophone, ce texte marqua son époque aux USA pour la vigueur des controverses qu’il suscita, notamment au sein de la gauche américaine.
Parait ensuite en 1961 un recueil d’exercices de pensée politique d’Hannah Arendt, Between Past and Future – connu en France sous le titre d’un des essais qu’il contient, La crise de la culture – qui est sans doute l’ouvrage d’Hannah Arendt le plus cité par les personnes travaillant sur le thème de l’éducation. On y retrouve en effet le fameux texte « La crise de l’éducation », ainsi que des textes sur l’autorité et la culture abondamment mobilisés dans le débat éducatif sur ces thèmes dans la modernité tardive. Avec René Char, l’auteure y insiste sur le fait qu’en tant qu’être humain, donc être de culture, « notre héritage n’est précédé d’aucun testament » (Arendt, 1972, p. 11). Comment donc, ainsi qu’Hannah Arendt s’en faisait le devoir, penser et agir en obligée du monde ?
1961 est aussi l’année où Hannah Arendt propose au directeur du New Yorker de se rendre en Israël pour réaliser un reportage sur le procès d’Adolf Eichmann, jugé pour ses responsabilités dans l’organisation de la « Solution Finale ». L’écriture du manuscrit demandé l’occupe jusqu’à fin 1962, puis débute pour elle une dense année 1963. Celle-ci voit en effet la publication de ce qui deviendra en français l’ouvrage Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal – qui fit scandale à plus d’un titre – celle d’un autre essai important, On Revolution. C’est aussi l’année de sa nomination comme professeure de sciences politiques à l’université de Chicago.
Elle est ensuite nommée en 1967 à la New School for Social Research de New York, et publie l’année suivante Men in Dark Times (connu en français sous le titre Vies politiques), où elle analyse la manière dont des personnages d’écrivains, de philosophes, de militants ou d’hommes d’Église ont traversé ce qu’elle nomme avec Brecht de sombres temps, soit « la première moitié du XXème siècle avec ses catastrophes politiques, ses désastres moraux » (Arendt, 1974, p. 7). En 1970 parait On Violence, un essai où elle s’attache à distinguer cette dernière respectivement du pouvoir politique et de la force brute.
Lorsqu’elle meurt le 4 décembre 1975 à New York, Hannah Arendt laisse une œuvre majeure mais aussi inachevée et/ou composée de nombreux textes épars, et à ce titre les publications posthumes seront nombreuses, ainsi que les recueils thématiques de ses écrits courts et textes de conférences. On peut notamment citer ici l’ouvrage paru en français sous le titre La vie de l’esprit, et les recueils La philosophie de l’existence, Responsabilité et jugement, Du mensonge à la violence. Elle laisse aussi des journaux et poèmes de pensée – selon ses propres termes – et une imposante correspondance avec Karl Jaspers, Martin Heidegger, Günther Anders, Kurt Blumenfeld, Gershom Scholem, Heinrich Blücher et Mary McCarthy. Comme l’écrira Olivier Mongin en préface de l’imposante bibliographie que lui consacre Elisabeth Young-Bruehl, Hannah Arendt aura en effet fait vivre, son existence durant, l’« amitié comme orchestration du jugement », et pratiqué comme nulle autre une politique de l’amitié.

3. Domaines d’inspiration d’Hannah Arendt : autour de sept axes

3.1 Axe 1 : à travers les ouvrages, les concepts, les épistémologies.

Hannah Arendt répugnait à se désigner elle-même comme « philosophe », titre qu’elle réservait à ses maîtres Jaspers et Heidegger, et préférait se qualifier de political scientist, penseure politique pourrait-on dire. Elle n’en a pas moins forgé – ou du moins saisi de manière originale –nombre de concepts importants pour penser l’éducation tels que la natalité (le fait que des nouveaux venus arrivent sans cesse dans le monde), l’amor mundi (l’amour du monde) ouencore l’attachement à la Terre et à une action ne se limitant pas au seul travail pour une existence pleinement humaine. Elle énonce également de forte recommandations, telles l’idée que le conservatisme éducatif serait la condition de possibilités pour des commencements futurs ou encore celle de la forte responsabilité de ne jamais laisser mener les batailles politiques des adultes dans les cours d’école. Ses ouvrages peuplent les bibliographies de travaux consacrés à l’éducation et à la formation, et nous aident en particulier à penser les couples éducation/politique et éducation/culture.
Une première manière de contribuer à ce colloque sera donc de s’emparer de ces sources et ressources de pensée pour se confronter aux enjeux éducatifs contemporains.

3.2 Axe 2 : a contrario, les polémiques.

C’est peu dire que de rappeler qu’Hannah Arendt fut, en particulier dans le dernier tiers de sa vie, au cœur de polémiques tantôt suscitées par son œuvre, tantôt engagées par elle dans celle-ci en réaction aux thèses, événements et tendances de son temps. Si, dans ce second registre et face aux questions éducatives, on pense bien sûr à ses critiques de l’éducation progressiste ou à ses positions sur la ségrégation raciale dans l’enseignement, nul doute que ses interprétations du totalitarisme, de la « Solution Finale » ou encore des Révolutions françaises et américaines questionnent quiconque assume des responsabilités d’enseignement dans ces mêmes domaines. De même, son rapport aux thèmes du devenir de la culture dans la modernité et en particulier face au capitalisme culturel et aux sociétés de consommation de masse lui valut aussi bien des éloges que des critiques, et peut ici être ressaisi pour penser l’éducation.
Une deuxième manière de contribuer à ce colloque sera donc de montrer comment les polémiques dans lesquelles Hannah Arendt fut prise construisent la réflexion et la praxis éducatives, (hier comme aujourd’hui).

3.3 Axe 3 : à travers les réseaux de sociabilité et les histoires de vie.

L’amitié intellectuelle eut trop d’importance dans la vie d’Hannah Arendt et son œuvre dût trop –de son propre aveu – aux apports respectifs de ses proches pour ne pas consacrer au sein de ce colloque un axe à ce thème. Cela pourra bien sûr prendre appui sur la biographie de l’auteure elle-même. Toutefois, il est un autre possible que ce colloque doit permettre d’explorer.En effet, ce type de compagnonnage intellectuel ne se limite pas à celles et ceux qui l’ont personnellement connue, tant son œuvre invite nombre de celles et ceux qui la découvrent à entamer avec elle une autre forme de dialogue amical de longue haleine et une conversation/controverse à distance dans les brèches qu’elle a contribué à ouvrir.
Une troisième manière de contribuer à ce colloque sera donc soit de travailler la manière dont une ou plusieurs relations nouées par Hannah Arendt éclairent notre objet, ou d’expliciter ce que fut pour les proposant.e.s leur propre expérience de formation de soi dans le rapport à l’œuvre arendtienne. Il sera possible ici de se concentrer sur les fidélités (y compris polémiques) autant que sur les éventuelles ruptures.

3.4 Axe 4 : au prisme de l’éthique.

L’importance et l’ampleur de la pensée politique d’Hannah Arendt ne doit sans doute pas nous amener à négliger la fécondité de son œuvre en termes de philosophie morale (dont on pourra trouver aisément un aperçu en français depuis la traduction en 1996 de ses Considérations morales). Remarquons en particulier que le thème de la responsabilité et du devoir envers soi, envers les autres et envers le monde est à la fois trop présent dans son œuvre et trop structurant de ses conceptions éducatives pour que l’une comme l’autre ne puisse pas être explorées ici également au prisme de l’éthique. Pour vaste qu’il soit, ce thème n’est pas le seul à appeler une telle saisie, et cela converge donc vers des possibilités plurielles de (se) saisir de cette figure inspirante également pour la réflexion éthique aujourd’hui.
Une quatrième manière de contribuer à ce colloque sera donc de montrer comment l’œuvre arendtienne peut inspirer aujourd’hui les réflexions sur l’éthique en éducation et formation en général, et sur les éthiques sectorielles (et tout spécifiquement professorales) en particulier.

3.5 Axe 5 : la réception.

Si elle eut ses illustres passeurs, dont en particulier Raymond Aron, l’œuvre arendtienne resta longtemps connue en France de manière fractionnée, par touches éparses et propositions marquantes, davantage que dans sa cohérence. Sans doute une situation similaire se reproduit-elle, avec ses singularités, dans d’autres contextes culturels et linguistiques de réception. Nombreuses sont aussi aujourd’hui les disciplines qui éprouvent dans leurs registres et sur leurs thèmes centraux la richesse et la stimulation que peut constituer le dialogue avec l’œuvre d’Hannah Arendt. Quand, pourquoi et comment lit-on Hannah Arendt ? Telle semble être une question forte qu’il nous faut ici explorer.
Une cinquième manière de contribuer à ce colloque sera donc d’étudier – notamment dans une perspective d’histoire des idées et des transferts culturels – les manières dont les œuvres d’Hannah Arendt ont été progressivement diffusées, connues, discutées et mobilisées dans des espaces scientifiques et professionnels donnés (par exemple dans la recherche en éducation et formation et/ou la formation des enseignant.e.s).

3.6 Axe 6 : la trace dans les institutions.

Admiratrice de l’héritage politique des Founding Fathers américains (et notamment de leur génie constitutionnel), analyste des conseils ouvriers comme de la désobéissance civile ou encore des perspectives du sionisme, c’est peu dire que d’affirmer que la question des institutions a préoccupé Hannah Arendt sa vie et son œuvre durant. On sait, par ailleurs, le soin qu’elle attachait à distinguer les espace pré-politiques – devant préserver la vie – et les espaces politiques – où se joue le rapport au monde. Penser les institutions éducatives avec Hannah Arendt a donc tout du défi – à la fois stimulant et ardu – auquel nous souhaitons ici faire place.
Une sixième manière de contribuer à ce colloque est donc de se confronter, en sa compagnie, aux questions suivantes : Quelles sont les organisations et les institutions qui se revendiquent de ses idées et de son héritage ? Quelles sont celles qui ont subi son influence ? Quelles traces trouve-t-on dans les organisations et les institutions de ses idées et préconisations ? Comment le processus d’implantation, de transposition, de transmission, de mutation éventuelle s’est-il développé ?

3.7 Axe 7 : et par analogie (les inspirations tierces…).

Si nous avons insisté sur la singularité de la trajectoire arendtienne à travers le XXème siècle, il ne s’agit pas non plus de suggérer qu’elle serait la seule intéressante et/ou significative dans ce registre. Avec qui peut-on faire un parallèle dans le monde des sciences humaines et sociales et dans le travail de pensée ? Quelles idées, quels concepts, ont connu un destin analogue à ceux d’Hannah Arendt ? Il s’agit ici de penser le transverse, l’analogie voire le symbolique ; de proposer des liens, même inattendus et pourtant argumentés. Qui, dans le monde des sciences humaines et sociales, a développé une démarche intellectuelle, scientifique, analogue en termes de cheminement ? Quels concepts, quelles idées ont cheminé, et de quelle façon, parallèlement à ceux d’Hannah Arendt ?
Une septième manière de contribuer à ce colloque consiste donc à explorer ces chemins de traverses à partir des considérations évoquées ci-avant sur la vie et l’œuvre d’Hannah Arendt.

Travaux cités :
  • Arendt, H. (1951/2002). Le système totalitaire. Paris : Gallimard.
  • Arendt, H. (1972). La crise de la culture. Paris : Gallimard.
  • Arendt, H. (1974). Vies politiques. Paris : Gallimard.
  • Young-Bruehl, E. (1986). Hannah Arendt. Paris : Anthropos.